Tests d’intrusion physique : méthodes approfondies, exemples concrets et pistes de renforcement
Retour d’expérience d’un consultant en cybersécurité
La sécurité physique est un maillon essentiel de la protection globale d’une organisation. Les mécanismes de cybersécurité (pare-feux, contrôles d’accès aux applications, surveillance des réseaux…) sont cruciaux, mais sans une défense solide des accès physiques, nombre de ces efforts peuvent être réduits à néant. Les tests d’intrusion physique (souvent intégrés dans approche red team) consistent à examiner concrètement la résistance d’un site face à des tentatives d’accès non autorisées. Cette approche sur le terrain, souvent complétée par des techniques de social engineering, offre un éclairage précis sur les failles les plus criantes et permet de définir un plan de remédiation adapté aux réalités de l’entreprise.

1. Contexte : pourquoi vérifier la sécurité physique ?
1.1 Un pilier souvent sous-estimé
Dans l’imaginaire collectif, on associe la cybersécurité à la lutte contre des pirates informatiques opérant à distance. Pourtant, une faille physique peut être exploitée de manière tout aussi dévastatrice. Par exemple, si un individu malveillant s’introduit dans vos locaux et raccorde un dispositif (clé USB, Raspberry Pi, etc.) à votre réseau interne, il peut exécuter des attaques autrement plus poussées (arrêt de production, écoute sur le SI). De plus, le vol ou la photographie de documents confidentiels (plans stratégiques, listes de clients, secrets industriels…) peut se faire en quelques instants dès lors que l’accès au bâtiment est obtenu.
1.2 Enjeux réglementaires et réputationnels
- Respect de la réglementation : La LPM, NIS2 ou le RGPD entre autres et d’autres normes sectorielles (banque, santé, industrie critique) imposent des exigences de sécurité, y compris physiques. Un manquement constaté en cas d’audit ou d’incident avéré peut conduire à des sanctions ou à une mise en cause de la responsabilité de l’entreprise.
- Protéger son image de marque : une intrusion physique effective, suivie d’une fuite de données ou d’un acte de sabotage, peut sérieusement entamer la confiance de vos clients et partenaires. Il est donc vital de démontrer un haut niveau de vigilance et de protection.
- Continuité d’activité : le sabotage d’équipements critiques (serveurs, systèmes de production) peut entraîner un arrêt partiel ou total de l’activité, avec des conséquences économiques importantes.
1.3 Périmètres variés, menaces multiples
Les tests d’intrusion physique s’appliquent à une multitude d’environnements :
- Immeubles tertiaires : sièges sociaux, bâtiments administratifs, espaces de coworking.
- Sites industriels : zones de production, laboratoires de R&D, entrepôts logistiques où la sécurité des procédés et des stocks est primordiale.
- Data centers : lieux hautement sensibles, hébergeant des serveurs et des données stratégiques.
Selon la typologie du site et la nature des risques, les scénarios d’attaque varient : usurpation d’identité, escalade de clôtures, utilisation de badges clonés, exploitation de portes mal verrouillées, etc. Dans de nombreux cas, le social engineering (ingénierie sociale) joue un rôle déterminant.
2. Méthodes d’évaluation : déroulement et scénarios d’attaque
2.1 Recueil d’informations et analyse préliminaire
Avant toute tentative d’intrusion, il est essentiel de réunir un maximum d’éléments contextuels :
- Périmètre précis : identifier les bâtiments cibles, les zones critiques (salle serveur, local IT, bureaux de direction), et le niveau d’engagement attendu (test « black box », « grey box » ou « white box »).
- Black box : l’auditeur n’a presque aucune information. On se rapproche d’un scénario réel où l’attaquant ignore la configuration interne.
- Grey box : l’auditeur dispose de quelques renseignements (plans de base, types de badges utilisés).
- White box : l’auditeur collabore étroitement avec l’entreprise, ce qui permet de tester des scénarios spécifiques ou très techniques.
- Collecte de renseignements : photos prises de l’extérieur, observation des flux d’entrées/sorties, repérage des systèmes de verrouillage, consultation de documents publics (plans, annonces d’emplois, vidéos sur les réseaux sociaux, informations sur les prestataires).
- Identification des risques probables : dresser une liste des points d’entrée envisageables (portes, fenêtres, accès de service, zones de livraison, toits). On évalue également la pertinence du social engineering (niveau de vigilance supposé des employés, accueil, procédures de vérification).
- Autorisations : recueillir l’ensemble des autorisations nécessaires (validation de la Direction Générale formalisée et signée) et s’assurer que l’intégrité des intervenants ne puisse être mise en danger (attention aux situations en présence de chiens de garde, de gardes armés…)
Exemple réel : dans un projet précédent pour le compte d’une PME industrielle, la simple observation des abords du bâtiment a permis de noter la présence d’une porte arrière utilisée par les livreurs. Cette porte n’était protégée que par une serrure mécanique basique et ne faisait pas l’objet d’une surveillance vidéo. Cet élément a naturellement été exploité lors de la phase d’intrusion.
2.2 Exécution des scénarios d’intrusion
Les approches varient selon le contexte, mais on peut distinguer plusieurs grandes catégories :
- Intrusion discrète ou furtive
- Exploitation d’une porte mal fermée, d’une serrure défectueuse ou encore de fenêtres faciles à forcer.
- Escalade de clôtures ou de grillages. Dans les zones industrielles, il n’est pas rare de trouver des grillages partiellement arrachés ou mal entretenus, offrant une brèche directe.
- Utilisation de faux-plafonds ou de gaines techniques : on peut contourner un contrôle d’accès en passant par un plafond acoustique dont les dalles sont aisément retirées.
- Social engineering et usurpation d’identité
- Scénario du « livreur pressé » : l’auditeur se présente comme un coursier mandaté pour livrer un colis volumineux, misant sur la solidarité ou la hâte du personnel d’accueil pour éviter un contrôle trop poussé.
- Fausse intervention technique, de contrôle ou règlementaire : un individu prétend être un prestataire en maintenance (climatisation, réseau, extinction d’incendie) ou un auditeur (interne, d’autorités…). Dans une mission récente, cette méthode a permis d’accéder sans encombre à un local informatique sensible.
- Ingénierie sociale par téléphone ou email : demander l’ouverture d’une porte, la réinitialisation d’un badge, ou le partage d’un code d’accès. Souvent, un simple appel se réclamant d’un service interne peut suffire si l’entreprise ne vérifie pas l’identité de son interlocuteur.
- Attaque frontale (plus rare en tests, mais réelle en situation criminelle)
- Forcer physiquement une porte à l’aide d’outils (pied-de-biche, crochetage).
- Briser une vitre isolée ou mal protégée.
- Couper un grillage avec des pinces.
Ce dernier type de scénario est souvent utilisé pour tester la réactivité des systèmes d’alarme et la vitesse de réaction du personnel de sécurité. Dans une approche conseil, il n’est évidemment mis en œuvre qu’en cas d’accord de la Direction de l’audité.
2.3 Rapport de mission et restitution
Au terme de l’intervention, un rapport complet est rédigé. Celui-ci inclut :
- La description précise des vecteurs d’intrusion exploités ou tentés, accompagnée de preuves (photos, captures de vidéosurveillance, logs d’accès).
- Une évaluation de la criticité : par exemple, accéder à un open space peut sembler moins grave qu’accéder à la salle des serveurs, mais les deux scénarios méritent un classement rigoureux (faible, moyen, élevé).
- Des propositions de remédiation : renforcement physique, mise à jour des politiques de contrôle d’accès, sensibilisation renforcée, etc.
3. Points de défaillance fréquents : structure, contrôle d’accès et organisation
3.1 Défauts structurels
- Serrures et portes de mauvaise qualité : cylindre bas de gamme, poignée facilement démontable depuis l’extérieur, bâti affaibli (cornière absente, matériaux légers).
- Cloisons et faux-plafonds : il arrive qu’un simple démontage de dalles de plafond permette de franchir une cloison.
- Portails et enceintes extérieures : grillages trop bas ou partiellement coupés, portails automatiques bloqués en position ouverte, absence de détection périmétrique.
Exemple sur le terrain : dans un data center de taille moyenne, un accès secondaire était protégé par une porte métallique robuste. Cependant, le cadre entourant cette porte n’était pas solidement scellé et présentait un jeu d’environ un centimètre. L’usage d’un pied-de-biche a suffi à forcer l’ouverture.
3.2 Failles dans le contrôle d’accès
- Badges clonables : de nombreux badges RFID utilisent des protocoles anciens, vulnérables à la duplication via de petits lecteurs NFC portatifs.
- Absence de logs pertinents : sans journalisation fiable, il est difficile de déterminer qui est entré dans un local à un instant précis.
- Badges multi-usages non segmentés : un seul badge donne accès à toutes les zones d’un bâtiment, rendant le vol ou la copie de ce badge particulièrement dangereux.
3.3 Lacunes organisationnelles
- Personnel peu sensibilisé : certains employés, par courtoisie ou manque de formation, laissent entrer un inconnu sans vérifier son identité.
- Procédures d’accueil insuffisantes : pas de vérification d’identité, pas de registre des visiteurs, aucun badge visiteur ou accompagnement.
- Manque de contrôle des prestataires : techniciens ou livreurs jouissent parfois d’une confiance automatique, sans confirmation préalable ni guidage.
Cas typique : lors d’une intervention, nous avons utilisé l’argument « je suis le sous-traitant mandaté par votre DSI pour vérifier la climatisation de la salle serveur ». L’accueil, pris de court, a délivré un badge permettant d’accéder directement aux étages supérieurs, dont l’accès n’était contrôlé que par un lecteur RFID basique.
4. Indicateurs clés pour mesurer la robustesse de la sécurité
- Taux de détection des intrusions : sur l’ensemble des tentatives, combien ont été repérées ou bloquées ? Un ratio faible indique un manque de vigilance ou une technologie insuffisante.
- Temps moyen de détection (TMD) : délai entre le début de l’intrusion et son repérage. Un TMD élevé est synonyme de failles importantes, car un assaillant dispose alors de plus de temps pour explorer et exfiltrer des données.
- Temps moyen de réaction (TMR) : temps nécessaire à l’intervention des équipes de sécurité ou de la police. Cela implique une bonne organisation des rondes, la présence de dispositifs d’alarme ou de caméras intelligentes.
- Taux de vulnérabilités critiques : part de failles jugées « critiques » dans l’ensemble des failles détectées (pouvant donner accès à des données vitales ou provoquer un blocage de l’activité).
- Coût potentiel d’un incident : évaluer l’impact financier, logistique et d’image en cas de réussite d’une attaque physique (vol de prototypes, sabotage industriel, vol de disques durs, etc.).
Ces indicateurs, présentés dans un tableau de bord post-audit, donnent une vision claire des priorités et des ressources à mobiliser pour améliorer la sécurité.
5. Stratégies de renforcement et bonnes pratiques
5.1 Renforcer l’architecture et les dispositifs
- Amélioration des portes et serrures : installer des serrures certifiées (A2P en France), renforcer la huisserie, poser une barre de seuil, ajouter des cornières anti-pinces.
- Contrôle d’accès évolué : remplacer les vieux badges par des cartes à puce cryptées, recourir à la biométrie (empreinte, reconnaissance faciale), voire exiger un double facteur (badge + code PIN).
- Vidéosurveillance et détection périmétrique : caméras haute résolution avec enregistrement systématique, capteurs de mouvement pour alerter immédiatement en cas d’intrusion hors horaires d’ouverture.
5.2 Renforcer l’organisation et la sensibilisation
- Formation du personnel : informer régulièrement sur les techniques de social engineering, rappeler l’importance de ne pas céder à la pression ou à la politesse lorsqu’on n’a pas la certitude de l’identité d’un visiteur.
- Procédure d’accueil stricte : contrôle d’identité (pièce officielle) avant la remise d’un badge visiteur, enregistrement des coordonnées, obligation d’être accompagné dans les zones sensibles.
- Mise en place d’un plan de crise : définir clairement qui doit être prévenu en cas de suspicion d’intrusion, comment gérer la communication interne et externe, et comment maintenir l’activité en cas d’incident majeur.
5.3 Maintien en conditions de sécurité (MCS)
- Audits réguliers : reprogrammer des tests d’intrusion pour vérifier l’évolution de la posture de sécurité et l’application des recommandations.
- Mises à jour continues : s’assurer que les accès sont révoqués pour les collaborateurs partis, que les badges perdus sont neutralisés, et que les dispositifs (caméras, alarmes) bénéficient d’un entretien adapté.
- Suivi des menaces émergentes : se tenir informé des nouvelles techniques d’attaque, qu’il s’agisse d’innovations en crochetage ou de faux dispositifs d’authentification (ex. clones de lecteurs biométriques).

L’expertise Digitemis dans les tests d’intrusion physique
Digitemis est conforme au référentiel d’exigences PASSI (Prestataires d’Audit de la Sécurité des Systèmes d’Information) publié par l’ANSSI (Agence Nationale de la Sécurité des Systèmes d’Information) pour la réalisation d’audit organisationnel et physique.
Notre cabinet se positionne comme un partenaire de confiance pour toute organisation souhaitant une évaluation pragmatique et réaliste de sa sécurité physique.
Notre approche globale s’appuie sur :
- Un diagnostic approfondi : chaque mission débute par une étude du contexte et une définition précise des objectifs. Les consultants évaluent le niveau de maturité en sécurité, tant physique qu’organisationnelle.
- Une équipe pluridisciplinaire : les auditeurs de Digitemis ont une connaissance fine non seulement des aspects techniques (systèmes de contrôle d’accès, verrous, caméras) mais aussi des scénarios de social engineering.
- Une méthodologie rigoureuse : inspirée des meilleures pratiques du domaine (normes ISO, guides ANSSI, retours d’expérience terrain), avec une mise en situation réaliste (intrusion sur site, faux rendez-vous, tests d’accueil, etc.).
- Un rapport détaillé : chaque test s’accompagne de comptes-rendus illustrés (photos, captures de logs, exemples de clonage de badges) et d’un plan d’action hiérarchisé selon la criticité des failles.
- Un accompagnement durable : au-delà du simple audit, Digitemis peut former les équipes, aider à la mise en place de nouvelles procédures de sécurité, et organiser un suivi régulier (re-audits, formations, sensibilisation continue, etc.).
Cas illustratif en mission : Lors d’un test récent, l’équipe Digitemis a pu accéder à la salle des serveurs d’une grande entreprise de services en moins d’une heure, en se présentant comme des techniciens « mandatés pour une maintenance réseau critique ». À l’aide d’une fausse note de service (imprimée avec l’ancien logo de la DSI) et d’une apparence professionnelle (tenue de travail, badge « officiel » fabriqué), ils ont obtenu sans difficulté un accompagnement jusqu’à la salle stratégique. Ce scénario a montré à la direction combien les procédures de vérification étaient insuffisantes et les personnels peu préparés à contrer de telles approches.
Bâtir une stratégie de défense globale
Chez Digitemis nous sommes convaincus que les tests d’intrusion physique sont essentiels pour révéler la vulnérabilité concrète d’un site face à des menaces combinant parfois intrusion technique et manipulation humaine. Ils représentent un moyen sûr de mesurer la solidité des dispositifs en place, mais aussi la maturité des collaborateurs en matière de vigilance et de respect des protocoles.
Une organisation qui souhaite se prémunir efficacement doit non seulement investir dans des équipements robustes (portes, serrures, dispositifs de détection) mais aussi développer une véritable culture de sécurité : formation continue, procédures d’accueil irréprochables, contrôle strict des prestataires, etc.
Avec l’aide d’un expert, il devient possible de bâtir une stratégie de défense globale qui conjugue robustesse physique et cybersécurité. Cette démarche, régulièrement remise à jour, apporte une garantie de protection pérenne pour les actifs essentiels de l’entreprise, tout en répondant aux exigences réglementaires et aux impératifs de confiance des clients et partenaires.
En fin de compte, la sécurité physique ne doit plus être considérée comme un simple complément à la cybersécurité : elle s’inscrit au contraire dans une démarche intégrée de gestion des risques et de gouvernance, où l’humain reste la première ligne de défense face à des menaces de plus en plus sophistiquées.
Vous souhaitez tester la sûreté physique de votre organisation ? Nos experts sont là pour vous accompagner.
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