En mai 2020, la CNIL a été saisie par l’organisation syndicale CGT-RATP d’une plainte portant sur un fichier d’évaluation des agents de la RATP, constitué dans le cadre de la procédure d’avancement de carrière des agents dans des centres de bus. La CNIL vient de sanctionner la RATP à hauteur de 400 000 euros. Que retenir de cette sanction ? Comment réduire les risques ?
La CNIL a tranché : Google Analytics n’est pas RGPD-compatible
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La CNIL, en coopération avec ses homologues européens, a étudié les conditions de transfert aux États-Unis des données collectées par le service d’analyse d’audience Google Analytics. Estimant que ces transferts sont illégaux, la CNIL a mis en demeure un gestionnaire de site web de se conformer au RGPD. Et, si nécessaire, de ne plus utiliser Google Analytics dans les conditions actuelles.
Sommaire
1. Google Analytics dans le viseur des autorités européennes de protection des données
Suite à l’arrêt Schrems II du 16 juillet 2020 de la Cour de justice de l’Union européenne invalidant le Privacy Shield, l’ONG autrichienne Noyb (None of Your Business) avait déposé des plaintes dans plusieurs États membres de l’Union à l’encontre de 101 entités. L’ONG autrichienne leur reprochait de transférer de manière illégale des données personnelles aux États-Unis.
Le 13 janvier 2022, l’autorité autrichienne de protection des données était la première à rendre une décision concernant Google Analytics, considérant que son utilisation conduisait à une violation du RGPD. Dans la foulée, l’autorité néerlandaise de protection des données s’est à son tour exprimée, indiquant sur son site que « l’utilisation de Google Analytics pourrait bientôt ne plus être autorisée ».
Le 10 février dernier, dans le sillage de ses homologues autrichienne et néerlandaise, la CNIL s’est prononcé à son tour sur la question du transfert aux États-Unis des données collectées dans le cadre de l’utilisation de Google Analytics. Selon Maximilien Schrems (co-fondateur de Noyb), des décisions similaires sont désormais attendues dans d’autres États membres de l’Union européenne.
2. Google réagit à l’actualité européenne par voie de communiqué
Le 4 février 2022, en réaction à la décision de l’autorité autrichienne de protection des données et quelques jours avant la décision de la CNIL, Google avait publié un communiqué concernant les transferts de données internationaux liés à Google Analytics.
En réaction à la décision de l’autorité autrichienne de protection des données et quelques jours avant la décision de la CNIL, Google a publié le 4 février 2022 un communiqué concernant les transferts de données internationaux liés à Google Analytics. Google signale que l’Union européenne et le gouvernement des États-Unis doivent bientôt conclure « un nouvel accord sur l’exploitation des données ».
Dans l’attente d’une éventuelle décision d’adéquation, et afin de rassurer les utilisateurs de leurs services, Google reste convaincu que « les vastes mesures supplémentaires […] prises permettent raisonnablement […] de protéger les données de façon pratique et efficace ».
3. La CNIL met en demeure un gestionnaire de site internet pour son utilisation de Google Analytics
Peu de temps après le communiqué de Google, la CNIL annonçait avoir mis en demeure un gestionnaire de site web pour son utilisation de Google Analytics. La Commission concluait que les transferts de données aux États-Unis ne sont actuellement pas assez encadrés.
Dans sa décision, la CNIL précise que l’utilisation de Google Analytics entraîne effectivement un traitement de données personnelles car la solution repose sur l’attribution d’un identifiant unique propre à chaque internaute. Cet identifiant peut être combiné à d’autres informations comme par exemple :
– l’adresse du site visité
– les métadonnées relatives au navigateur et au système d’exploitation
– l’heure et les données relatives à la visite du site web
– l’adresse IP
En outre, la CNIL a constaté que cet identifiant ainsi que les autres données personnelles collectées pour chaque visiteur sont bien exportées par Google vers ses serveurs aux États-Unis. Or, en l’absence de décision d’adéquation concernant les transferts vers les États-Unis, ce transfert de données ne peut avoir lieu que si des garanties appropriées sont prévues.
Afin d’encadrer les transferts de données dans le cadre de la fonctionnalité Analytics, Google a adopté des mesures supplémentaires comme :
– la notification des utilisateurs
– le rapport de transparence
– la politique de gestion des demandes d’accès gouvernementales
– le chiffrement des données
– ou la pseudonymisation des données…
Cependant, la CNIL considère que ces mesures ne suffisent pas à exclure la possibilité d’accès aux données par les services de renseignements américains.
Par conséquent, la Commission constate que les données des internautes sont ainsi transférées aux États-Unis en violation du RGPD. La CNIL met en demeure le gestionnaire du site web concerné de mettre en conformité ces transferts, si nécessaire en cessant d’avoir recours à la fonctionnalité Google Analytics dans les conditions actuelles.
4. Quelles conséquences pour les gestionnaires de sites web ?
Dans un premier temps, il est à noter que la CNIL a d’ores et déjà communiqué sur le fait que d’autres procédures de mises en demeure ont été engagées à l’encontre de gestionnaires de sites web utilisant Google Analytics.
Si la mise en demeure de janvier 2022 concernait une société avec une « activité de vente à distance » (comme précisé dans la décision anonymisée), il y a fort à parier que la CNIL va également être amenée à se pencher sur d’autres activités, et notamment celui de la santé.
En effet, dans un courrier adressé à la CNIL le 28 janvier dernier, l’association Interhop accusait de nombreux acteurs français de la e-santé d’utiliser Google Analytics : Recare, Qare, Alan, KelDoc, Maiia… L’association avait déjà manifesté son opposition au stockage des données de santé des européens par une entreprise européenne dans l’affaire du Health Data Hub.
En tout état de cause, nous ne pouvons que conseiller aux responsables de traitement utilisant Google Analytics, quel que soit leur domaine d’activité, de cesser cette utilisation. Nous recommandons de se tourner vers un outil n’entraînant pas de transfert de données en dehors de l’Union européenne.
Par ailleurs, il est conseillé d’utiliser des outils de mesure et d’analyse d’audience servant uniquement à produire des données statistiques anonymes, permettant ainsi une exemption de consentement des internautes au dépôt de cookies.
Mais les conséquences de ces dernières décisions ne se limitent pas à Google Analytics. D’autres outils donnant lieu à des transferts de données d’internautes européens aux États-Unis sont également dans le viseur de la CNIL et de ses homologues en Europe.
On peut alors citer les recours déposés par Noyb concernant Facebook Connect, l’outil qui permet de se connecter à un site web en utilisant son compte Facebook, ou encore à la récente décision d’un tribunal allemand au sujet de l’utilisation de Google Fonts en violation du RGPD.
Conclusion
Nous assistons actuellement à un nouvel épisode du bras de fer entre les GAFAM, géants numériques, et les autorités européennes. Il est à déplorer qu’aucune réelle solution ne soit apportée au travers de décisions d’espèce sur tel ou tel outil. Au-delà du simple exemple de Google Analytics, c’est par extension tout transfert de données vers les États-Unis qui est considéré comme illégal. Or, il semble impossible aujourd’hui pour la plupart des organismes français et européens de se passer totalement des outils et services proposés par les GAFAM dont Google.
Aujourd’hui il est évident que les autorités européennes de protection des données et les responsables de traitement attendent un nouveau dispositif d’adéquation qui permettrait de couvrir, sans formalité particulière, les transferts de données personnelles vers les États-Unis.
Cette situation a incité Syntec Numérique, Tech In France et l‘Alliance française des industries du numérique à cosigner une lettre ouverte en mai 2021 appelant à la mise en place d’un nouveau Privacy Shield. De leur côté, les États-Unis semblent toujours peu enclins à garantir la protection des données des citoyens européens face à leurs services de renseignements.
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